Me voici alitée dans une chambre grand luxe en compagnie d’une autre malade qui vomit ses tripes car elle ne supporte pas les antalgiques.
Les murs d’une couleur incertaine n’ont pas vu un rouleau de peinture depuis leur création il y a plus de 30 ans, le lambeaux disparus le prouvent, ils sont fins comme du papier à cigarette. La vue magnifique sur la mer et les iles au lointain se devine à travers l’épaisse couche de crasse qui n’a certainement jamais connu l’éponge d’un nettoyeur. Remarquez, elle sert de barrière naturelle contre les rayons en plein après-midi, alors que la climatisation poussive arrive à peine à maintenir la chambre à une température décente.
La poussière s’est organisée en harem de concubines grasses et lascives tout le long des rebords et des recoins, l’immense fenêtre dégouline de crasse du plafond au sol, le ménage est fait, voyons voir en 5 jours d’hospitalisation, une seule fois avec une ferveur chaloupée : un coup de serpillière à gauche, un coup à droite, on tourne autour des objets, on évite les coins trop éloignés, on asticote le bord du lavabo et des WC, parce que bon, faut pas déconner, on va pas mettre les mains dedans.
Me voici à mariner dans ma botte de 7 lieux qui maintient mon tibia prisonnier de ma jambe car ce petit saligaud essaie toujours de s’échapper. Un gentil docteur vient m’annoncer que malheureusement pour moi, j’ai pris mon ticket trop tard et que mon tour ne viendra que le lendemain, promis, je serai la 1ère à passer sur le billard.
Après un excellent repas fait d’une très bonne semelle d’agneau, de légumes constitués de 90% d’eau, le tout arrosé d’un bon gobelet d’eau tiède, je plonge dans les bras de Morphée-Garou qui pour le coup, avait planté ses crocs dans ma jambe.
le lendemain, après avoir été lavée de la tête aux pieds à l’éponge et à coup de bétadine rouge dans mon lit, direction la salle d’opération à midi, heureusement que je suis la 1ère à passer !
Shootée au cocktail belge, spécialité de mon anesthésiste, et après quelques trous de perceuse, coups de marteaux et tours de vis, me voici comme neuve, robotcop version lilliputienne.
Retour à la case lit, bassin urinoir, douche à l’éponge dans le lit. 4 jours les fesses à l’air, la porte ouverte et les draps sales, désolé, il n’y a plus de drap propres dans l’hôpital, les laveries ne fonctionnent pas le week-end, désolé il n’y a plus d’alèse, rupture de stock, à attendre qu’on vienne me recharger mes drogues, prendre ma température, ma tension.
La première fois que l’infirmière est venue me changer mes pansements, j’ai eu peur. Elle a sorti une paire de gants plastiques non stériles de la même boite qu’utilise la femme de ménage quand elle vient changer mon bassin. Elle défait mes bandages, enlève ses gants, court les couloirs pour trouver un kit à pansements inexistant faute de moyens, revient avec des compresses, stériles elles, et entreprend de me faire le pansement sans remettre de gants ni se laver les mains. le tout sans masque, à postillonner et éternuer au dessus de mes coutures.
Comment vous dire qu’avec tout ça, si je m’en sors sans septicémie, c’est que je dois vraiment vérifier ce que fait mon époux lorsqu’il rentre tard du bureau.
Le dernier jour, j’ai enfin pu remettre une culotte, pisser aux toilettes assise et rêver de la douche décrassage / lavage de cheveux que j’allais enfin prendre. On en se rend pas compte de ces petits bonheurs de la vie courante tant qu’on n’est pas confronté à leur absence. Une douche, une vraie, avec de l’eau propre qui coule et qui mouille pour de vrai. Le pied intégral !